Blogs - 19.11.2009

Comment peut-on être Tunisien (II)

Mercredi 18 novembre 2009. Il est 21 heures (HT). Le fameux match Algérie-Egypte vient de prendre fin. Une grande soirée est organisée sur une chaîne satellitaire arabe pour commenter la rencontre. L'animateur commence par un tour de table: les invités sont unanimes: "l'Algérie n'a pas volé sa victoire" et louent "la correction des joueurs et du public", (on s'attendait au pire) avant de donner l'antenne aux correspondants et envoyés spéciaux: Khartoum, Alger, Paris et puis le Caire: la correspondante apparaît. Elle fixe la caméra, le visage blême, la gorge serrée, incapable de placer un mot. Un long moment de silence, puis elle éclate en sanglots. Gêne sur le plateau.

L'animateur essaie de la consoler puis lui demande comme pour détendre l'atmosphère: "apparemment, vous aimez votre pays?". "Oui, je l'aime. Oui, je l'aime. Oui, je l'aime (Bamout fih, bamout fih, bamout fih), elle répète la phrase à trois reprises en martelant chaque mot, comme pour souligner la sincérité de ses sentiments. La scène n'est pas près de se reproduire chez nous. En tout cas, le contraste est saisissant avec nos joueurs qui ont débarqué l'autre jour de Maputo, la mine enjouée reprenant en choeur, sur un ton détaché: "ce n'est pas la fin du monde".Voilà qui en dit long sur leur respect pour leurs supporters, leur amour pour la Tunisie. 

Nationalisme Versus chauvinisme

Le patriotisme est-il donc devenu un sentiment ringard dans notre pays? On est bien tenté de le croire quand on voit avec quelle désinvolture, nos joueurs ont négocié leur match contre le Mozambique le 14 novembre, les désertions de sportifs envoyés en stage à l'étranger (on parle de 130 athlètes en quatre ans), l'attitude des joueurs (et des spectateurs) lors de l'exécution de l'hymne national. Les Tunisiens se complaisent dans l'autocritique. C'est une attitude très saine parce qu'elle permet de se remettre en question. Le problème, c'est que, parfois, elle confine à l'autoflagellation qui tourne à l'entreprise de démoralisation avec tous les dégâts qu'elle sous-tend. Les Tunisiens n'en sont pas suffisamment conscients.

Notre pays est souvent cité en exemple à l'étranger, surtout dans les pays arabes et africains à telle enseigne qu' on se contente parfois de plagier ses lois et ses réformes. C'est bon de le savoir et de le faire savoir mais dès qu'on le signale ou qu'on cite des témoignages de personnalités ou de journaux comme ce fut le cas dans notre précédent blog, on s'expose à une volée de bois vert non pas de la part des pays concernés mais de certains de nos compatriotes comme gênés aux entournures par ce qu'ils considèrent comme une marque de chauvinisme. Le sentiment national est un sentiment noble dont on n'a pas à rougir, l'aiguillon idéal pour servir son pays. Pourquoi s'en offusquer dès lors qu'il ne se mue pas en patriotisme belliqueux.

La revue Jeune Afrique avait demandé dernièrement à une femme d'affaires tunisienne résidant depuis longtemps en Algérie, une définition du Tunisien. Réponse: un enfant gâté. Alors faisons contre mauvaise fortune bon coeur et contentons-nous de prendre ces positions pour ce qu'elles sont: des réactions d'enfant gâté. 

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                                                                                                                                                                                                                                   Hèdi