Opinions - 02.01.2014

Foued Zaouche : la société civile, notre seul espoir

La seule question qu’il faut se poser pour cette année 2014 est celle-ci: échapperons-nous à l’islamisme politique et à son idéologie primaire? Primaire car elle représente une véritable régression. On constate sur les plans législatif et social de nombreuses atteintes à la modernité comme ce projet  de loi sur le rétablissement des Habous qui est une véritable aberration sur le plan économique ou celui sur les mosquées qui met en danger le caractère civil de l’Etat. Ce sera difficile, très difficile tant les islamistes ont verrouillé le système et ces verrous sont nombreux.

Le premier d’entre eux, le plus grave, est ce que certains ont appelé le coup d’état constitutionnel. D’une assemblée constituante chargée seulement de rédiger une constitution en une année, les islamistes en ont fait un parlement qui ne cesse de légiférer depuis plus de deux ans et souvent à leur seul profit. Les exemples sont nombreux et le dernier en date est ce fameux fond de «dignité» voté au milieu de la nuit concernant l’indemnisation des prisonniers politiques. Alors que le pays frôle la banqueroute, ces gens pensent encore à prélever sur des caisses vides pour rémunérer les leurs au détriment des centaines de milliers de chômeurs qui crient famine.

Le deuxième verrou, et il est de taille, réside toujours dans cette ANC qui vient de s’arroger le droit d’exercer un contrôle sur le prochain gouvernement, cela veut dire en clair que le prochain premier ministre exercera son activité sous la surveillance stricte et tatillonne des islamistes forts de leur majorité à l’assemblée. Déjà que beaucoup doutaient de l’indépendance de monsieur Mehdi Jomaa, cet homme à présent sera étroitement surveillé par les députés nahdhaouis, capables à tout moment de le mettre en minorité. On comprend mieux les propos du cheikh Ghanouchi qui déclarait qu’en quittant le gouvernement, ils resteraient quand même au pouvoir. Autant comprendre qu’on ne pourra jamais remettre en question les milliers de nominations effectuées qui confèrent à Ennahdha une main mise effective sur l’appareil d’Etat, des nominations dont le nombre ne cesse d’augmenter tous les jour et qui mettent en péril le bon fonctionnement des élections à venir.

Autre verrou, le désir déclarée selon la presse du premier ministre actuel, Ali Laaryadh de parapher la constitution, le caprice d’un homme qui veut rester dans l’histoire, certainement imbu de son rôle historique. C’est à dire que nous allons attendre l’adoption de la constitution, censée être votée article par article, surtout si l’on subodore qu’il existe encore de nombreux points de divergences concernant la place de la religion. On peut donc supposer que la feuille de route annoncée pour l’adoption finale de la constitution pour le 12 janvier 2014 est encore une fois une date fantaisiste.

Il existe hélas un autre verrou qui est illustré par le climat psychologique de l’opposition dans son ensemble, incapable de s’unir et de s’accorder, composée de gens qui nous ont offert durant ces longs mois de tergiversations et d’atermoiements le spectacle pitoyable d’ambitions personnelles fascinées par le pouvoir comme des lucioles attirées par la lumière.

Et ce pauvre premier ministre désigné par le quartet  censé former son gouvernement  et qui, pour l’instant, ne dispose d’aucun mandat officiel pour le faire. On nage en plein surréalisme surtout qu’il s’agit de lui imposer des ministres comme celui de la justice ou de l’intérieur. Entre-temps le pays s’enfonce dans la crise avec des menaces terroristes de plus en plus précises. Alors quoi espérer en cette nouvelle année?

L’espoir viendra de la société civile dans son ensemble avec sa capacité à se mobiliser. Les assises de la société civile tenues à Djerba du 25 au 28 décembre, dont l’objet principal est de créer les infrastructures capables d’assurer le bon fonctionnement des élections, sont notre seul espoir.

Nous le savons tous, le vrai combat se situe dans la transparence des votes et nous savons aussi que Ennahdha fera tout ce qui est en son pouvoir pour truquer les élections. Ce parti mesure certainement son impopularité grandissante au sein de la population et il sait qu’il n’a d’autre recours que de bourrer les urnes et il s’est donné les moyens pour cela.

Sachant cela, il faut que chaque citoyen se mobilise pour devenir le porte parole d’un projet démocratique, pour une République civile respectueuse des droits de chacun, conscient que le projet d’un Etat islamique est la mort de la Tunisie comme nation souveraine.

Nous ne pourrons vaincre l’islamisme politique que par les élections et pour cela il faudra dénoncer tous ses mensonges, dénoncer au plus grand nombre la supercherie de cette idéologie. Que chacun de nous tente de convaincre les membres de son entourage, que chacun développe sa réflexion, lise, s’informe, affûte ses arguments, que chacun devienne un militant acharné et lucide, le soldat d’une démocratie moderne et tolérante, ce n’est que comme cela que l’on pourra sauver notre pays des dangers qui le guettent.

Un seul mot d’ordre, la Tunisie d’abord face à ces idéologies étrangères que sont le salafisme ou celle des frères musulmans qui tentent de pervertir notre identité. Ni salafiste, ni frère musulman, tunisien d’abord !

Foued Zaouche