News - 05.01.2014

Terrorisme: Causes, génèse, objectifs et traitement

Notre propos sur le terrorisme est de tenter d’analyser succinctement et aussi concrètement que possible ce phénomène très ancien qui a profondément entaché l’islam, dès ses débuts, par l’assassinat du calife Othmane, par un groupuscule dissident rebelle venu d’Egypte si lointaine.

Cet assassinat politique a provoqué plus tard Al Fitna. Ainsi Arabes et musulmans, chiites et sunnites continuent, 1 400 ans après, à subir les effets catastrophiques de cette fracture qui saigne encore, et les deux antagonistes n’arrêtent pas de s’entretuer en Irak, en Syrie, au Pakistan et ailleurs pour une cause politique morte mais non enterrée.

Aujourd’hui, un islamisme extrémiste fuyant l’Afghanistan et le Pakistan déferle sur nous, sous le couvert d’un islamisme salafiste djihadiste, sous la pression insoutenable des USA et de leurs alliés de l’Otan. En mai 2011, dix ans après les évènements de septembre 2001 à New York, on a assisté à la TV, avec un léger différé, à l’assassinat de Oussama Ben Laden, guide historique d’Al Qaïda, laquelle, décapitée et affaiblie par cet évènement, s’est trouvée obligée de se disperser en Extrême-Orient, au Moyen-Orient et en Afrique (Maghreb et Sahel). C’est ainsi qu’on a vu apparaître trois filiales régionales dans les trois zones fortement sensibles suivantes:

A. Al Qaïda au pays des deux fleuves (Irak) qui, après un succès foudroyant en Irak et en Syrie, est devenue l’Etat islamique de l’Irak et du Cham et a accentué son action au sein de l’opposition radicale syrienne. Elle est en passe de s’imposer face à l’Armée libre syrienne.

Cette tendance à unifier ces deux pays par le terrorisme ne manque pas de nous rappeler l’unification de Damas et de Bagdad sous les omeyyades puis sous les abassides et leur séparation plusieurs siècles plus tard à cause de l’antagonisme entre les deux branches du «baath» sous la houlette de Saddam Hussein et Hafedh Al Assad.

B. Al Qaïda dans la péninsule arabique: qui concentre momentanément  son effort sur le pauvre Yémen avant de s’occuper sérieusement du Royaume saoudien et des émirats du Golfe.

C. Al Qaïda au Maghreb Islamique:

AQMI a pour mission de:

1. Continuer et achever le travail entamé par les islamistes algériens au début des années 90 et que l’armée algérienne a su et pu stopper non sans difficulté ni violence.

2. Engager l’infiltration du Sahel par l’occupation du Mali déjà affaibli par la rébellion touareg de l’Azawad.
3. Envelopper l’Algérie par le sud et la fixer par des actions meurtrières (In-Aménas) pour atteindre la Tunisie (c’est fait au Chaambi) et la Libye, complètement désarçonnée par des luttes tribales soutenues par des groupes fortement armés incontrôlés et incontrôlables qui menacent l’unité du pays.

4. Entamer à partir du Mali, dès qu’il sera soumis aux djihadistes, la déstabilisation des pays voisins à majorité musulmane déjà sensibilisés aux thèses islamistes. Mais cette action a été provisoirement suspendue par l’intervention française au début de 2013 et le rétablissement du pouvoir central à Bamako (pour combien de temps?).

Quels sont les prochains pays visés par les islamistes djihadistes

  • Le Mali, de nouveau, parce que considéré comme le point central de toute action pour la conquête du Sahel (voir carte)
     
  • La Tunisie, considérée comme le maillon faible du Maghreb. Les actes terroristes déjà commis au Chaambi, Semmama, Tunis, Sousse et ailleurs confirment cette hypothèse.
     
  • La Libye, qui est déjà virtuellement tombée
     
  • Le Nigeria, avec ses ressources pétrolières à proximité du Mali, déstabilisé par Boko Haram, allié objectif des islamistes, doit être particulièrement visé. L’action des djihadistes ayant été stoppée au Mali, il n’est pas exclu qu’ils orientent leurs efforts vers l’Est (Algérie du sud, Tunisie, Libye)
     
  • Enfin, atteindre les pays de la forêt équatoriale que l’islam et les Arabes n’ont pas pu pénétrer lors de la conquête du Maghreb et du Sahel à cause de la malaria et de la mouche tsé-tsé qui décimait leurs chevaux.

Mais au début de ce XXIème siècle, les choses et les hommes ont changé. Le cheval a été remplacé par le 4x4 tout- terrain pour pénétrer ce milieu hostile et la « kalach » a remplacé le sabre. C’est ainsi qu’on a vu apparaître pour la première fois, peut-être, en plein cœur de cette forêt équatoriale les combattants autochtones musulmans en «formations constituées»  importantes (la Seleka) participer à la chute du président Bozizé à Bangui en mars 2013.

Deux décennies plus tôt, alors que j’étais ambassadeur auprès de la République Centrafricaine, je n’avais pas constaté, ni même douté de l’existence d’une communauté musulmane aussi importante dans ce pays. Aujourd’hui, on constate que les choses ont évolué très rapidement. Peut-on y voir une action  d’AQMI ? De Boko Haram pas si loin ? Ou une forte islamisation de la population autochtone ? L’avenir et l’évolution de la situation dans le Sahel nous le préciseront !

L’avant-propos ci-dessus nous a fait entrer de plain-pied dans le vif du sujet. Mais avant de se hasarder sur son terrain miné (Chaambi), il y a lieu de définir ce phénomène nébuleux universel et insaisissable.

Définition 

C’est l’emploi de la violence pour terroriser des individus ou une population donnée et atteindre des objectifs politiques. Cette définition qui paraît simple cache des notions difficiles à déterminer. L’emploi de la violence est-il commis par des moyens légaux pour des objectifs légitimes ou pas ?

La réponse à ces deux questions détermine s’il s’agit de terrorisme ou de lutte pour une cause noble. Mais dans ces conditions, la subjectivité est de mise. Et c’est ce qui fait la difficulté de trouver une définition universelle qui peut générer des solutions acceptables par tous, à opposer aux actes criminels du terrorisme international. Même l’ONU a été incapable de trouver une telle définition. Elle s’est contentée d’adopter des conventions spécifiques pour réprimer certains actes illicites commis contre la sécurité aérienne nou l’insécurité maritime (détournement d’avions, piraterie)

Différents types de terrorisme

  • Terrorisme individuel: commis par de très petits groupes anarchistes isolés ou des individus nihilistes
  • Terrorisme organisé: soutenu par différentes idéologies : extrêmes gauche ou droite, djihadistes, salafistes, narcotrafiquants.
  • Terrorisme d’Etat : lorsque le terrorisme est commis, commandité ou manipulé par des services parallèles aux services officiels.
  • Terrorisme économique: vise la déstabilisation économique d’une société ou d’un Etat tiers.

Causes et racines du terrorisme

1. La pauvreté, le chômage, la marginalisation et l’injustice entre les individus et les régions. Une population qui vit dans la misère est fragilisée, elle succombe facilement à la démagogie de l’extrémisme et à ses promesses chimériques et bascule dans le terrorisme.

2. La naïveté du pouvoir qui ne croit pas que tout pays est sous menace, interne ou externe, qui le guette quelque part et que le malheur n’arrive qu’aux autres. Il ne s’y attend pas ; donc ne se prépare pas au pire.

3. La faiblesse du pouvoir;
ne s’étant pas préparé au pire, le pouvoir démuni se trouve affaibli et ne peut faire face à toute éventualité. Alors le terrorisme agit, redouble d’effort, se réjouit des coups qu’il a portés au pouvoir et fait avancer ses pions pour atteindre ses objectifs ultimes : vaincre le pouvoir, abolir l’Etat et changer la société qu’il croit impie.

Naissance et génèse du terrorisme

  • Le terrorisme naît quand il peut, lorsqu’il se sent prêt à l’affrontement
  • Quand il veut : choix du moment
  • Là où il veut : choix du lieu
  • Comme il veut : choix du mode d’action
  • Il possède ainsi l’exclusivité de l’initiative; grand avantage dans la lutte du faible contre le fort

Dans la lutte antiterroriste, il faut toujours avoir présent à l’esprit la précieuse équation suivante : Où, quand, comment, le terrorisme va-t-il frapper?

Qui a recours au terrorisme?

Les extrémistes de tous bords ! Qui croient détenir la vérité du Tout-Puissant.

  • Ceux qui ne croient pas à la démocratie et rêvent de rétablir des régimes révolus basés sur le pouvoir personnel et le culte de la personnalité tel le califat.
  • Ceux qui refusent la modernité, l’évolution de la science, de la société, des peuples.

Par ailleurs, il faut remarquer que le terrorisme n’est pas l’apanage des Arabes et des musulmans. D’autres nations à travers le monde ont subi ses méfaits commis par des organisations devenues tristement célèbres telles que : l’IRA (1916-1997) en Irlande, Stern et Irgoun (1946-1948) en Israël pour chasser les Palestiniens, l’ETA (1956-2011) en Espagne, Action directe en France, Brigades rouges en Italie et au Japon, la bande à Baader en Allemagne, Jamaa Islamia en Egypte, Al Qaïda depuis 1988 et tant d’autres en Norvège et ailleurs.
L’activité de ces organisations a duré pendant plusieurs décennies et causé des centaines de tués et des milliers de mutilés.

Comment lutter contre le terrorisme?

1. S’attaquer aux causes en luttant contre la pauvreté, la marginalisation et la corruption

2. Relancer la croissance génératrice d’emplois. Mais la mise en œuvre de ces mesures nécessite beaucoup de temps et d’argent (prêts insupportables). Les résultats espérés sont longs à venir et les nécessiteux sont impatients de retrouver la dignité.

Entre-temps, le terrorisme s’organise, devient de plus en plus performant et continue sa basse besogne. Il faut donc, sans hésiter, le contre-attaquer en mettant en œuvre les moyens sécuritaires légaux que tout Etat respectable doit toujours avoir disponibles et en mesure de frapper vite et fort toute menace pour la contenir avant de l’achever. Avant nous, des pays démocratiques victimes du terrorisme n’ont pas hésité à employer la manière forte et à appliquer la loi dans toute sa rigueur, car dans ce combat sans pitié, ce sont les plus décidés, les mieux formés et entraînés, les plus têtus et les mieux équipés qui remportent la victoire. Il faut coûte que coûte maîtriser le terrorisme en employant  tous les moyens légaux et les méthodes réglementaires pour sauver la Tunisie, « pays de la joie de vivre », d’un avenir incertain, obscur et rétrograde.

S.E.K.

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