Opinions - 16.11.2013

Xénophobie et islamophobie: Un vent mauvais souffle sur la France et l'Occident

En France, les hebdomadaires L’Express, Le Point, Valeurs Actuelles consacrent maintenant de manière quasi routinière des titres fort clairs visant une religion précise : «Islam, le danger communautaire», clame une couverture,  «La peur de l’Islam», beugle un autre titre, «Le spectre islamiste», vocifère le suivant, «Cet islam sans gêne», braille une revue, alors qu’une autre couverture, pour attirer le chaland, feint de s’inquièter : «L’islamisme va-t-il gagner ?»,  surfant sur les peurs irrationnelles en affichant une femme en niqab comme épouvantail.

Christophe Barbier, le directeur de cette feuille qui a pour nom l’Express, insiste dans son éditorial — comme pour devancer ceux qui lui reprocheraient sa  couverture racoleuse et indigne : «Oui, le communautarisme est un fait minoritaire, limité à quelques lieux et à une phalange d’individus. Mais comme un cancer commence par une poignée de cellules viciées, il a besoin de peu de foyers pour être vite menaçant puis un jour mortel.» Barbier, pourtant, n’en est pas à sa première ânerie.

C’est un récidiviste, souligne Caroline Constant dans l’Humanité (10 octobre 2013, p. II),  qui manipule le racisme antimusulman. Il  devrait dénoncer plutôt le Front national (FN) et l’extrême droite plutôt que de s’en prendre aux  cinq millions de musulmans vivant en France…qui sont loin de tout extrémisme et dont l’immense majorité des femmes sont à mille lieues  des modèles caricaturaux qu’il présente à ses lecteurs. Et ces musulmans sont souvent de nationalité française ! En fait, L’Express, Valeurs Actuelles et Le Point veulent, à l’unisson, donner de l’Islam une image caricaturale mais dangereuse et trahissent le journalisme en jouant sur les peurs, les mots (islamisme, islam, jihad, voile…) et les bas instincts. Ils arrivent ainsi à mobiliser maintenant une classe politique qui ne sait plus où donner de la tête face à ses divisions, au mécontentement populaire, à la pression fiscale  et aux coups de boutoir de la mondialisation. M. Copé, le président de l’ UMP — exécutant une obscène danse du ventre devant les électeurs du FN—veut réformer le droit du sol pour l’obtention de la nationalité. Pourtant, il est lui-même issu  d’une mère née en Algérie  et d’un père d’origine roumaine(Wikipédia).

Les visées électoralistes de M.Copé sont néanmoins claires pour 73% des Français, qui ont, d’après l’agence Reuters (27/10/2013), «une mauvaise opinion» de ce monsieur. Le Canard Enchaîné (23/10/2013) rappelle que le droit du sol est une conquête de la Révolution de 1789: «les Constitutions du 3 et 4 septembre 1791, du 24 juin 1793 et du 5 fructidor an III permettent à toute personne née et vivant sur le territoire national d’être français. »

Salafiste en Occident

L’argent et les prêches wahhabites jouent, assurément, un rôle capital dans cette cabale antimusulmane en inoculant à quelques fidèles en France et ailleurs le poison de leurs concepts d’un autre âge et d’un Islam dévoyé.

La presse de la haine et du rejet de l’Autre s’attaque alors à la communauté arabe en France mais passe sous silence les aberrations des princes saoudiens sur la Côte d’Azur et sur les Champs Elysées, comme elle « oublie » de signaler qu’au mois de mai dernier, cinq Yéménites ont été décapités et crucifiés en public, en Arabie Saoudite,  pour «sodomie» au moment même où elle cloue au pilori Poutine pour son rejet des homosexuels russes ! Cette même presse feint d’oublier que l’extrémisme religieux n’est pas l’apanage des seuls musulmans. Elle ne s’est guère étendue, par exemple, sur l’enterrement en Israël du grand rabbin sépharade – et chef du parti ultrareligieux Shas- Ovadia Yosef le 7 octobre 2013. Ce «saint homme» — ennemi juré du grand rabbin ashkénaze d’Israël — ne manquait jamais de fournir des amulettes et des grigris à Netanyahou, avant chaque scrutin. Une foule énorme (plus de 10% de la population) a suivi le cercueil de ce «faiseur de roi» qui qualifiait les Arabes — qu’il connaissait bien pourtant pour être né en Irak et pour avoir vécu au Caire — de «fourmis» et qui demandait à Jéhovah, tous les jours, la destruction de l’Iran. Quel organe de presse a rappelé le chemin parcouru sur la voie de l’extrémisme religieux par Israël — dont la conception avait été promue par des sionistes non croyants, voire  athées ? Dans son livre  Vaincre Hitler  paru en 2007, Avraham Burg, ancien président de la Knesset et vice-président du Congrès juif mondial, écrit : «Le pays tout entier [Israël] est pris en otage par un groupuscule de colons menaçant de guerre civile, de résistance passive, et remettant en cause la légitimité de l’Etat et la volonté de la majorité… » (p.91).  «Le groupuscule» est devenu, depuis, cette énorme foule qui a conduit l’ayatollah (pardon, le grand rabbin) Ovadia Yosef au cimetière  dans l’espoir de  profiter de «ses bienfaits».

Pour L’Express comme pour d’autres organes de presse occidentaux, la guerre mondiale contre le terrorisme lancée par George Bush Jr signifie  guerre contre l’Islam, comme hier il y avait la guerre contre le communisme athée. De plus, partout, la politique des princes saoudiens et autres qataris a conduit à la dénonciation et à la mise à l’index de la religion musulmane. Ses encouragements sonnants et trébuchants au wahhabisme le plus rétrograde comme celui des talibans en Afghanistan et au Pakistan ont conduit aux pires clichés contre l’Islam. La vaillante Malala Yousafzai — que les talibans ont essayé de tuer pour son action en faveur de l’éducation des filles au Pakistan — est devenue une véritable icône internationale. C’est ainsi qu’elle a été nominée — fait extraordinaire — au Prix Nobel de la paix à 16 ans, classée par Time Magazine parmi les cent femmes les plus influentes de la planète et a remporté le Prix Mère Teresa. Elle serait la première femme à marquer l’histoire de la région et la société pachtoune d’après les médias occidentaux. Or, William Dalrymple écrit  dans le New York Times du 25 octobre 2013 sous le titre «Avant Malala» que les femmes pachtounes ont toujours été des moteurs de la société et que, si régression il y a, c’est à partir du moment où les talibans, encouragés par les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, ont fait intrusion pour combattre le communisme. C’est ainsi qu’une femme, Malalai, a galvanisé les énergies lors de la bataille décisive de Maiwand, bataille au cours de laquelle les Afghans ont infligé à l’armée de Sa Majesté britannique, le 27 juillet 1880, une cuisante défaite en dépit de leur impressionnante artillerie.  De son côté, la Bégum Wafa, épouse du roi d’Afghanistan Shah Shuja al Mulk (XIXème siècle), a été une diplomate hors pair — de l’avis même des Anglais — et est arrivée à faire libérer, à deux reprises, son mari, prisonnier à Lahore. Et Dalrymple de conclure: «Les stéréotypes ont diabolisé fortement cette région : caches de terroristes, luttes sanglantes entre tribus rivales, fanatisme religieux et oppression des femmes. Tout cela est fortement exagéré. On est en présence d’une société complexe qui a été,  des années durant,  un centre de résistance non violente à la Gandhi contre  la domination britannique. Elle recèle encore les anciennes traditions de poésie mystique, de musique soufie et possède de nombreux leaders de sexe féminin.».

Goebbels professait : «Calomniez, calomniez, il en reste toujours quelque chose ! »

L’Express n’est pas seul!

A côté de Valeurs Actuelles, du Point et autres publications de droite extrême en France — qui n’ont pas encore digéré la perte de l’empire colonial — des journaux ayant plus de tenue réservent un traitement ambigu  à l’Islam et aux pays musulmans. Ainsi,  Le Monde  dénonce avec raison le traitement inhumain réservé aux ouvriers népalais (et étrangers en général) au Qatar et l’ignoble système du «kafi». Pourtant, la même situation prévaut en Arabie Saoudite mais il n’en souffle mot. De même, ce quotidien  affirme que «la situation des droits de l’homme ne s’améliore pas en Iran» (27-28 octobre 2013, p. 4) alors qu’il est de notoriété publique que la situation n’est guère brillante là où 6 000 princes saoudiens possèdent tout un pays. Ce journal traite sur un ton léger — comme une amusante et exotique curiosité — l’interdiction faite aux femmes saoudiennes de conduire
(p. 20). L’Arabie Saoudite commande, il est vrai, d’énormes quantités d’armes, de tanks et d’avions à l’industrie française — sans oublier les produits de luxe Vuitton et autres LVMH dont la publicité s’étale sur les colonnes des publications du Monde!

Il y a enfin le livre de M. Alain Finkielkraut L’Identité malheureuse dont la promotion est en première page du Monde et dont l’auteur est omniprésent sur tout le paysage audiovisuel. Pourquoi cette fièvre ?  Parce que, répond le directeur du  Monde des livres  : « … des patrons de presse décident de mettre ce livre à la « une » sans même y avoir jeté un œil ; des animateurs télévisuels qui considèrent le texte comme un prétexte, simple support à «clash», pure matière à «buzz»». Ce philosophe — d’origine polonaise et de nationalité française depuis l’âge de un an — est taraudé par l’angoisse : en France, on ne se sent plus «chez nous», affirme-t-il à qui veut l’entendre. Ce philosophe à la retraite éructe ainsi à l’heure même où, à Brignoles, les partisans racistes du FN hurlent, suite à leur victoire dans un scrutin cantonal : «Nous sommes chez nous» ! Finkielkraut et le FN sont en fait perturbés par ces Arabes qui ont la nationalité française mais veulent garder leur culture et assumer le legs  de la civilisation arabo-musulmane. «L’immigration de peuplement», voilà l’objet de leurs frayeurs ! Et l’auteur d’introduire une notion chère à la famille Le Pen : «le Français de souche» ! Pour Jean Birnbaum, Finkielkraut «joue avec le feu et attise le brasier identitaire» (Le Monde des livres, 25 octobre 2013, p. 7).  Pour Finkielkraut, la France devient «une auberge espagnole»  où il se sent  en exil,  cerné qu’il  croit  par les boucheries et les fast-foods halal. 

Il est temps que les salafistes que chérissent MM. Ghannouchi, Ellouze, Chourou et autres Sahbi Atig et qui mettent en péril la Tunisie et d’autre pays, réalisent le mal qu’ils font à toute la communauté arabo-musulmane. Ils sont en fait les jouets d’intérêts qui les dépassent. La Turquie de l’islamiste Erdogan et les Etats-Unis d’Obama et de Kerry sont tombés d’accord pour créer un fonds en vue d’endiguer l’extrémisme en Somalie, au Yémen et au Pakistan ;  à l’image des programmes de lutte contre le sida, le paludisme ou la tuberculose! A cet effet, ils convoqueront bientôt un Forum mondial contre le terrorisme (Global Counterterrorism Forum)  à New York. De son côté, l’Arabie Saoudite utilise aujourd’hui les jihadistes en Syrie pour échapper à un possible encerclement par les chiites en Syrie, en Irak et en Iran. Le royaume, déjà fort ébranlé par les «Printemps arabes», perd son sang-froid face au rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis, son protecteur de toujours, son pourvoyeur en armes, le dépositaire de ses montagnes de dollars et son ultime bouclier...qui a,  ô surprise! lâché Moubarak. Ces «combattants » sur le front  syrien(on parle de 3 000 Tunisiens!) croient aller au Paradis pour leur foi alors qu’ils défendent les intérêts d’émirs milliardaires…qui refusent un siège au Conseil de sécurité parce qu’ils n’excellent que dans les tractations à l’abri de la lumière et des regards car comment exposer publiquement leurs alliances avec les pires ennemis de la nation arabe ?

Un vent mauvais souffle assurément sur la France et l’Occident. Pour en changer peut-être le cours, « les intellectuels [arabes] doivent se préoccuper de la façon d’arrêter la propagation de la culture du sang, de la mort et de la violence gratuite. Ils doivent se demander comment redonner ses titres de gloire à un islam différent, un islam de gens normaux, en paix avec lui-même et avec les autres. Il s’agit de questions pressantes face à un problème que nous laissons s’aggraver en raison de notre paresse intellectuelle et de notre incapacité à innover sur le plan des idées.», affirme Khalèd Al-Hroub (Al-Ayyam, Ramallah in Courrier International n° 1199 du 24-30 octobre 2013, p .42).

M.L.B.

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