News - 31.03.2013

Alliot Marie raconte « la chausse-trappe tunisienne » et cite Kamel Morjane

« Probablement, ce choix de passer huit jours de vacances en Tunisie m’a amené au mauvais endroit au mauvais moment, même si je n’ai jamais été alerté par mes services (…) J’assume une vraie erreur d’appréciation ». C’est l’explication que fournit Michèle Alliot-Marie (MAM), ancienne ministre française des Affaires étrangères qui revient sur ce qu’elle a qualifié de « chausse-trappe tunisienne ». Dans un livre qu’elle vient de publier chez Plon sous le titre de « Au cœur de l’Etat », racontant son parcours politique depuis la conquête du RPR et sa participation à plus de 700 conseils des ministres, elle consacre le dernier chapitre à épisode finale qui a précipité son départ du gouvernement et révèle ces entretiens avec Kamel Morjane.

Evidemment, elle s y’ exerce à réfuter une à une les accusations de complaisance, sinon de connivence, avec le régime de Ben Ali. Elle commence par situer ses relations personnelles avec la Tunisie sur le registre du tourisme depuis 1980, et ses relations officielles, limitées en 12 ans à trois seules rencontres avec Ben Ali, dans un cadre officiel. «Contrairement à d’autres, notamment socialistes, tel Bertrand Delanoë qui l’a reçu avec tous les honneurs à la Mairie de Paris, ou à des ministres qui l’ont décoré ou qui ont été décorés par lui », griffe-t-elle !

«Kamel Morjane, me dit, tant pis pour sa carrière, il va essayer de faire passer le message » 

Et MAM de présenter sa vérité avec les détails qui lui sont les plus favorables. Un témoignage intéressant dans son récit, est sans doute l’évocation de son homologue tunisien à l’époque, Kamel Morjane. Elle l'avait connus il y a plusieurs annéesen vacances à Djerba, avec  Daly Jazi, « président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme », précise-t-elle avant de devenir ministre de la Défense. morhjane lui succèdera puis deviendra ministre des Affaires étrangères.  Elle indique que de retour à Paris, début janvier 2011, elle reste en contact avec son homologue.

«Il vient à Paris, écrit-elle. Nous avons un tête-à-tête où nous parlons très franchement. Je le sais attaché à l’action de modernisation conduite par les premières années de sa présidence par Ben Ali. Il est aujourd’hui préoccupé de la corruption et de la mainmise de la belle famille présidentielle sur le pays. Son analyse rejoint celle du gouvernement français. Au nom de la lutte contre l’islamisme radical, nous soutenons le gouvernement tunisien laïc. Nous apprécions son appui indispensable au projet d’Union pour la Méditerranée. Nous ne pouvons pour autant tolérer la prévarication qui devient insupportable aux Tunisiens, y compris les plus attachés à la laïcité, la loi du silence imposée à coups de menaces, les atteintes aux droits de l’homme. Il faut le faire comprendre à Ben Ali qui doit rapidement redresser la barre. Qui est le mieux placé pour le lui faire comprendre? Personne dans le gouvernement tunisien jusqu’à ce jour. Ceux qui, à l’extérieur, le pourraient sont soigneusement écartés de tout contact ».

Alliot Marie pousse encore son récit, évoquant un dîner le soir même à l’ambassade de Tunisie à Paris. « Kamel, révèle-t-elle, me dit que, tant pis pour sa carrière, car il sera sûrement sanctionné, il va essayer de faire passer le message. Il le fera pour la Tunisie en accord avec son passé de président de la Ligue des droits de l’Homme (là, elle fait une confusion), et avec son ancien poste de ministre des Armées (…) Nous restons en contact téléphonique, mais compte tenu des risques d’interception, il reviendra à Paris, me tenir informée des résultats de sa démarche. Si elle échoue, je pourrai jouer des mes fonctions pour essayer de forcer sa porte et dire au président tunisien ce qu’il doit entendre ». Son récit se poursuivra sur la chronologie des jours suivants et elle essayera de contextualiser ses propos à l’Assemblée nationale au sujet du « soutien technique » à l’ancien régime, cherchant faire retourner la situation en sa faveur.

Sa grande explication de ce qui lui était arrivé se veut solide. « Certains voulaient ma place, affirme-t-elle, d’autres voulaient m’empêcher de prétendre à d’autres fonctions. Tous se retrouvaient dans l’idée que mon départ leur dégagerait de l’espace ». Encore, la théorie du complot…
 

Au cœur de l’Etat

de Michèle Alliot Marie

Editions Plon, 2013, 272 p. 20 euros

 

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