News - 17.02.2013

La Tunisie vue par des parlementaires français : les anticorps fonctionnent

«Malgré toutes les incertitudes politiques en Tunisie et les difficultés économiques et sociales qu’éprouve le pays, on sent nettement un véritable sursaut général provoqué par l’assassinat de Chokri Belaid qui donne de nouveaux ressorts. » C’est l’impression générale que garde Elizabeth Guigou et six autres parlementaires français à l’issue d’une visite rapide mais intense, jeudi et vendredi derniers.
 
« La Tunisie laisse croire qu’elle sort d’une période d’indétermination, la condamnation de la violence est unanime, le peuple a repris la parole, dans une diversité plurielle, pour ne plus la céder, la liberté d’expression y est comme elle ne l’a jamais été auparavant, les jeunes sont là, les femmes en première ligne, la société civile en grande vitalité, pas de retour en arrière acceptable, les anticorps fonctionnent », estiment les députés français, d’une même voix.
 
«Maintenant, il faut voir cependant comment toutes ces forces démocratiques peuvent se rassembler, se mettre en cohérence et s’organiser », poursuivent-ils. On voit mal comment cette démocratie naissante puisse être captée par un seul parti, quel que soit  ce parti ». Certains parmi eux vont jusqu’à dire : « il faut que l’UGTT et l’UTICA, grandes forces de stabilisation et d’action, puissent faire front commun ».

Une jeunesse confiante mais qui risque d'être impatiente

Ce qui a également retenu l’attention des parlementaires français, c’est aussi cette confiance dans l’avenir qu’affiche la jeunesse tunisienne et son attachement à la modernité et à l’avenir. Mais ils mettent en garde contre l’impatience qui pourrait gagner les jeunes, sur un fond de violence germant sur le chômage, la pauvreté et la précarité. D’où l’urgence, comme l’a souligné Odile Saugues, députée du Puy-de-Dôme (Parti socialiste), de finaliser la Constitution et de remettre sur pied les institutions.
 
François Asensi, député de Seine-Saint-Denis (Parti communiste) se demande « quelle sera la part de la radicalisation d’Ennahdha et prendra-t-elle en compte la force de la société civile. La trajectoire finale de cette formation, poursuit-il, sera la République Islamique, avec tout ce que cela peut représenter dans un monde interconnecté et le rôle très négatif joué des pétromonarchies, notamment l’Arabie Saoudite et le Qatar qui n’hésitent pas à soutenir et financer des partis extrémistes ».
 
Elisabeth Guigou est revenue sur l’entretien de 30 minutes que la délégation a eu avec Rached Ghannouchi, au siège d’Ennahdha. « J’ai commencé par lui dire notre surprise par les attaques injustifiées contre la France et qu’il ne fallait pas encourager et il nous a répondu qu’il y a avait aussi du côté de la France certains propos. Puis, nous avons abordé le vif du sujet. Il était un peu réservé, mais nous a fait part de sa vision ». « En fait, il nous a dit ce qu’il voulait qu’on entende», commentera Jacques Myard, député des Yvelines (UMP).

Une large panoplie de figures tunisiennes 

En près de 24 heures seulement, la mission parlementaire de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française a pu en fait, s’entretenir, grâce à un programme soigneusement coordonné par l'amabassdeur de France, François Gouyette, avec une large panoplie de figures tunisiennes. Dès son arrivée jeudi après-midi à l’aéroport de Tunis-Carthage, elle a pu rencontrer le secrétaire général de l’UGTT, Houcine Abbassi (en partance pour le Maroc, puis le lendemain au siège de la centrale syndicale, deux de ses secrétaires généraux adjoints), et s’est rendue déposer une gerbe de fleur sur la tombe de Chokri Belaïd au cimetière d’El Jallaz, avant d’enchaîner les rendez-vous. Outre Ghannouchi, elle a rencontré Hamma Hammami, Béji Caïd Essebsi, Ahmed Néjib Chebbi, Yadh Ben Achour, Mustapha Ben Jaafar, Mehrezia Laabidi, Souad Abderrahim, Lobna Jeribi, des jeunes de la société civile, des acteurs économiques et à leur tête la présidente de l’UTICA, Ouided Bouchammaoui, des femmes militantes : Faouzia Charfi, Emna Menif et Dorra Bouchoucha, l’actuel et l’ancien ministres du développement régional, Jamel Gharbi et Abderrazak Zouari…
 
Au siège de l’Assemblée nationale constituante, un déjeuner de travail avec une dizaine d’élus a été l’occasion de développer cette « diplomatie parlementaire » et d’esquisser des voies de coopération bilatérale. Lire: Comment doivent fonctionner les commissions d'enquêtes parlementaires
 
Prévue pour décembre dernier puis reportée, cette visite s’inscrit dans le cadre d’une mission d’étude sur les révolutions arabes et a conduit certains membres de la même délégation au Caire, avant de se retrouver tous à Tunis. Présidée par Elizabeth Guigou, la délégation était composée de :
  • M. Jacques Myard, député des Yvelines
  • M. Jean Glavany, député des Hautes-Pyrénées
  • Mme Marie-Louise Fort, députée de l’Yonne
  • M. Jean-Philippe Malle, député des Yvelines
  • M. François Asensi, député de Seine-Saint-Denis
  • Mme Odile Saugues, députée du Puy-de-Dôme. 
Tout au long de leurs entretiens, les parlementaires français n’ont cessé de répéter qu’ils étaient venus « chercher à comprendre, écouter ». Réfutant toute interférence, ils ont affirmé à leurs interlocuteurs que « c’est aux Tunisiens de décider de leur destin », souhaitant « ardemment la réussite de la révolution tunisienne emblématique ». 
 
Réagissant aux critiques acerbes de Jean-Luc Mélenchon sur la rencontre avec Ghannouchi, ils ont souligné qu’ils se devaient de n’exclure aucune partie, rappelant que le programme de la visite ne s’était pas limitée uniquement à Ennahdha.