Opinions - 13.01.2013

Tunisie: Tout a changé … alors pourquoi rien ne change

J'en veux au Jomhouri pour son élitisme, j’en veux au front populaire pour son opposition systématique, j’en veux au takatol parce qu’il a tourné le dos à sa famille démocrate, j’en veux au Massar pour son intellectualisme, j’en veux aux nationalistes arabes pour leur vision passéiste, j’en veux à Nida Tounes parce qu’il est un fourre-tout qui cacherait le pire en montrant le meilleur, j’en veux à Dostourna d’avoir exploité sa popularité citoyenne pour faire de la politique partisane, j’en veux aux indépendants pour leur égocentrisme mais tout ceci n’est rien face aux islamistes et leur traînée d’opportunistes qui nous méprisent et insultent notre intelligence. 

Après nous avoir portés aux nues et applaudi notre courage, le monde nous a tourné le dos, surpris et déçu en voyant notre assemblée constituante remplie de têtes bigarrées qui semblent, elles-mêmes, étonnées de se retrouver là, ne sachant que faire ni que dire et se contentant de lever la main lorsque le monsieur du premier rang le fait. C’est que le monde avait longtemps cru à une exception tunisienne, celle d’un peuple éduqué, nourri à la fois de son identité séculaire et d’une modernité universelle, une étrange alchimie introduite grâce à la vision et l’intelligence d’un homme d’Etat, Bourguiba, qui a su trouver dans l’islam des cheiks de la Zitouna, les ressorts de la contemporanéité.
 
Mais les Tunisiens semblent condamnés à écrire leur histoire, non pas dans les palais du peuple mais dans la rue avec leurs larmes et leur sang. Les manifestations de toutes sortes se multiplient aussi bien du côté des pauvres et des sans emploi qui, ne voyant rien venir des promesses électorales, s’insurgent contre un Etat qui est demeuré trop centralisé, bureaucratisé et opaque, que du côté de la classe moyenne qui se révolte contre la cherté de la vie et le manque de sécurité. Quant aux intellectuels, ils dénoncent la nouvelle dictature islamique rampante, la violence de milices qui s’arment à tout va et les restrictions sournoises des libertés publiques et individuelles.
 
La liberté d’expression, bien qu’elle soit traversée de fissures, demeure cependant l’un des plus grands acquis de la révolution. Mais il est étrange de constater que malgré tous les scandales médiatiques, preuves à l’appui, qui touchent nombre de personnalités politiques de premier rang, le pouvoir en place ne s’ébranle pas pour autant, ce qui fait dire à certains que nous sommes passés de «Ferme ta gueule» à «Cause toujours» et d’autres de dire «Tout a changé mais rien n’a changé». Les divisions éclatent au grand jour, les débats peinent à prendre de la hauteur et virent à la bagarre de chiffonniers ou de hamam. On assiste alors à des scènes surréalistes d’un député, frère d’une ministre et du même parti qu’elle, s’avérer être son plus virulent critique lors de la séance de questions au gouvernement. Et un commentateur de sourire en imaginant le déjeuner de famille du week-end. Sur les plateaux de TV, un ministre reproche aux membres d’un parti adverse d’avoir volé les serviettes de l’hôtel où s’est tenu son meeting et un illuminé de la politique de la dernière heure se déclare pour le mariage avec les petites filles.
 
Ainsi va la vie, deux ans après une révolution qui se voulait pacifique et exemplaire et qui sombre dans la violence et la médiocrité. L’écriture de la constitution, qui ne devait pas durer plus d’une année et demi, s’enlise, la date des prochaines élections, seules garantes d’un système politique stable et durable, sont inconnues, la justice transitionnelle, qui devait tourner la page de la dictature et sceller la réconciliation nationale, est en panne, les indicateurs économiques sont au rouge et les institutions internationales semblent douter, de plus en plus, de la capacité de la Tunisie à s’en sortir … seule.
 
L’heure est grave, comme dirait l’autre, et l’union des forces démocrates se révèle, plus que jamais nécessaire et urgente. Il nous faut taire nos différences et nous rassembler car ce qui nous unit, l’amour de notre patrie, est bien plus fort que ce qui nous sépare. De Nida Tounes au Front populaire en passant par El Jomhouri et El Massar, formons une large coalition. Et pour sceller cette union, quoi de plus symbolique qu’un 14 janvier … 2013.
 
Anissa Ben Hassine
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8 Commentaires
Les Commentaires
candide - 14-01-2013 01:03

Bravo! Tout cela n'est que malheureusement la triste réalité. Tous les acteurs de cette triste entreprise, affairés au marchandage des meilleurs ministères et meilleurs avantages pendant que le peuple souffre, ne se rendent même plus compte qu'ils ont conduis et conduisent encore et de façon irrémédiable, le pays a la ruine. Le monde occidental, nos partenaires économiques institutions ne croient plus en l'avenir de la Tunisie et nous tournent le dos. Les investisseurs ont déserté en préférant le Maroc et l'Algerie à la Tunisie, pour bâtir leurs usines et contrairement à ce qui nous est cycliquement annoncé, le tourisme à lui seul ne permettra plus de remplir les caisses vides. La Tunisie es malade de son islamisme, malade de sa constituante et de ses constituants qui n'ont aucune légitimité électorale, parce que soumis aux caprices d'un terroriste intellectuel totalement sénile et irresponsable. Quel triste constat, quel triste bilan et quel déshonneur pour ces individus avides de pouvoir et dont la cupidité est inversement proportionnelle à leur incompétence.

Baaziz - 14-01-2013 12:17

Je respecte votre avis et votre pensée. Mais je voterai quand même pour Nahdha dans les prochaines élections. Je n'ai tout simplement pas confiance en votre supposée "large coalition démocrate". Et ça sera le cas de la majorité des tunisiens inchAllah. RDV le lendemain des prochaines élections. ;-)

Faouzia Kchouk - 14-01-2013 17:31

enfin un cri du coeur et des paroles censées

mahmoud Bédoui - 14-01-2013 19:39

Excellent article Anissa et vous avez tout dit. Cela rejoint parfaitement mon analyse de la Tunisie post-révolutionnaire. Un seul point à ajouter. Nous n'avons pas fêté le 2ème anniversaire de la révolution mais plutôt le 1er anniversaire de la contre-révolution. MERCI

Selima - 15-01-2013 09:32

Vous avez mis noir sur bkanc la triste realite de la Tunisie! C'est un supplice de le ressentir mais c'est encore plus douloureux que de le lire. Peut on encore esperer que les heures les plus sombres precedent les lumieres de l'aube?

Medal - 16-01-2013 01:26

Tout a été dit... alors pourquoi pas partager !!! Et j'ai effectivement partagé avec plaisir et conviction. Par ailleurs, à mon compatriote Baaziz il me peine de rappeler ce qu'il sait normalement déjà : le Mouvement (immobiliste) pour lequel il dit vouloir voter pourrait accéder au pouvoir démocratiquement et je dis évidemment "inch'Allah non". Je le dis parce que la nature-même du dit Mouvement (trahie par son comportement évident) laisse prévoir que par la suite il ne reconnaîtrait et n'accepterait plus jamais une éventuelle défaite électorale. C'est clair: un musulman peut être démocrate, mais un islamiste jamais. Merci Anissa ; ce sont des Dames comme vous qui confortent notre espoir.

zouhair kammoun - 16-01-2013 10:59

bravo pour cette analyse pragmatique , c'est un constat pas très flatteur pour cette révolution tunisienne , la Tunisie et son peuple méritent mieux que ça ! c' est l'apprentissage de la démocratie , y a pas de retour d'expérience ,l'islamisme est un obstacle majeur pour le progrè , nous pouvons et nous sommes des bons musulmans sans passer par l'extrêmisme d'ennahdha.les Tunisiens n' ont d'autres choix que l'union et l'entente pour construire un avenir meilleur qui rendra hommage à nos martyrs...

Abou oumaima - 16-01-2013 13:05

Bravo anissa, tout a été bien dit, nous nous sentons vraiment au bout du tunnel, rien n'est clair avec cette catastrophique nahdha, esperons que nida tounes nous unisse tous pour sauver ce qui reste de notre tunisie.

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