News - 18.05.2009

Quelles sont les 50 personnalités arabes les plus influentes au monde, selon Afif Ben Yedder ?

Béchir Ben YahmedBéchir Ben Yahmed, fondateur de Jeune-Afrique, est l’unique Tunisien à figurer parmi les 50 personnalités arabes estimées les plus influentes au monde, selon le classement annuel établi par The Middle East.  Mensuel fondé à Londres par Afif Ben Yedder (président du groupe IC Publications créé en 1966), The Middle East s’exerce à sélectionner nombre de personnes significatives dans le monde arabe mais aussi les autres régions du monde pour leur demander de nominer 5 personnalités arabes en vie qu’elles jugent les plus influentes et de motiver leurs choix en quelques lignes sur chacun de leurs candidats. Les réponses sont parfois surprenantes et le mensuel considère qu’il n’y a ni gagnant, ni perdant, regrettant cependant que le décès récent de Youssef Chahine et Mahmoud Darwiche ait privé ces deux figures emblématiques de faire partie de la liste.

D’après les résultats issus de cette consultation, c’est le Prince Saoudien Al Walid Ibn Talel qui vient en tête, suivi par Sheikh Hamdane Bin Mohamed bin Rashed Al Maktoum (Dubaï) et Shafiq Gabr et Zahi Hawass. Ouvert également à la gent féminine, ce classement place la saoudienne Lobna Olayane, en 4ème position, accompagnée notamment de Hanan Al Shaykh (Liban), Zaha Hadid (Irak) et Sheikha Moza Bint Nasser Al Missned (Qatar).

Les Maghrébins ne sont pas nombreux à figurer dans ce classement : juste six, à savoir, dans l’ordre, Isaad Rabrab (Algérie), Miloud Chaabi (Maroc), la Princesse Salma (Maroc), Béchir Ben Yahmed (Tunisie), Abdullah Salem Al Badri (Libye) et Othman Ben Jalloun (Maroc). La Mauritanie n’y est pas représentée, malgré le rayonnement de nombre de ses personnalités.

Bèchir ben yahyaOù sont les Tunisiens

" Un seul Tunisien au Top 50 ? Où sont les autres ? Le pays ne manque ni de talents, ni de compétences dans tous les domaines", se désole un grand homme d’affaires. Mais, il se rattrape vite : "Il est vrai que nos icônes nationales du monde des affaires, des arts, des lettres et des sports, manquent de dimension internationale, tant en visibilité qu’en impact." 

Qui, parmi eux, tient un blog, publie régulièrement une tribune dans des médias prestigieux, dispose d’un plan de communication, intervient dans des rencontres de premier ordre, de façon programmée et continue ? Voilà un gap à rattraper par une présence dynamique sur tous les fronts.

BBY

Ben Yahmed, 81 ans, qui continue à venir chaque jour à pied ou à vélo au bureau, est considéré comme « un grand faiseur d’opinion ». Fondateur du journal L’Action (1955) converti en Afrique-Action puis en Jeune-Afrique (1961) édité depuis Tunis, puis Rome et enfin Paris (1964), il promène un regard lucide et averti sur la planète, ses dirigeants, et ses peuples. Sa sphère d’influence commence d’abord au Maghreb et en France, avant de s’étendre à l’ensemble du continent africain, au monde arabe et à tous ceux qui s’y intéressent.

Depuis bientôt près de 50 ans, ses éditoriaux, qui suscitent adhésion et controverses, constituent le premier et principal article décortiqué par les lecteurs et largement repris dans les médias. Ses écrits se veulent, selon ses admirateurs, « éclaireurs de chemin ». Alors que ses contempteurs n’hésitent pas à l’accuser parfois de « faire fausse route ». Sur un ton  à la fois affectueux, critique, mais perspicace, un leader africain dit de lui : « A force de vouloir être intellectuellement supérieur et politiquement indépendant, alors qu’il a des fins de mois à boucler, Béchir doit certainement jongler. En plus, en un demi-siècle d’exercice quotidien, il peut se tromper et voir l’histoire contredire certaines de ses analyses et prises de position. Il demeure, cependant, pour nous tous, un scanner, ou mieux maintenant, un IRM pour bien voir et bien comprendre ce qui se passe et surtout ce qui va se passer. »

Brillant élève à HEC Paris au début des années 50, proche de Bourguiba qu’il aida à rédiger son célèbre (et unique) ouvrage « La Tunisie et la France » avant d’en être son éphémère Secrétaire d’Etat à l’Information, il s’est réinstallé à Paris depuis près de 50 ans. Que lui reste-t-il de Tunisien ? « Tout, dira un vieil ami de jeunesse avec qu’il déambulait, durant les années 50, sur le Boulevard Saint-Germain. La tête est certainement dans le XVIème à Paris, mais les racines à Djerba, le cœur à Tunis et le regard à Gammarth. »

Mais la réponse d’un ancien collaborateur de Béchir qui avait été longtemps à ses côtés à Jeune-Afrique et l’avait ainsi pratiqué de près est plus intéressante. « De Tunisien, BBY garde le meilleur ! Une fibre sud et arabo-africaine, tolérante et ouverte, un attachement profond aux valeurs, quitte à faire des allers-retours, à aimer et détester, adorer et désacraliser, créer des stars et les faire passer à la trappe. Imprévisible, direct, sans gants, pouvant paraître distant, grand timide, intimidant, mais, en fait, très affectueux, humain, séducteur. Bref, un vrai tunisien, même si, parfois, il est dur avec ses compatriotes et son pays. Avec lui, on est toujours dans la passion. De toute façon, il a marqué plusieurs générations, en Afrique noire et au Maghreb, notamment… et continue de le faire.»

Le mérite de ce classement est, néanmoins, de nous montrer qu’il y a des places à gagner pour les Tunisiens. A condition de s’y mettre. Allons-y !