Opinions - 09.12.2008

Le francarabe, ce vice impuni

Pourquoi nos animateurs radio et télé éprouvent -ils le besoin, dans leurs émissions , d’émailler leurs phrases de mots français ? Tout se passe comme si l’usage de cette langue est considéré par certains  comme valorisant. S’y adonner même d’une manière partielle, c’est se hisser au dessus de la masse, c’est signifier son appartenance à une élite.

Il fut un temps où il suffisait de prononcer un mot étranger dans une émission pour qu’on soit tancé aussitôt par l’animateur. Aujourd’hui,  il ne s’agit plus de l’intrusion de quelques mots étrangers dans notre langage parlé  mais bel et bien de l’ébauche d’un sabir tuniso-français  appelé, peut-être,  à remplacer à terme notre parler comme une mauvaise monnaie qui finit par chasser la bonne. Radio Mosaïque avait montré la voie, les autres stations lui emboîtent le pas, les unes avec le zèle du néophyte, les autres timidement. Même les annonceurs, pour ne pas être en reste, s’y essaient.
 
On peut comprendre qu’un animateur recoure parfois à un mot français ou anglais pour exprimer une idée qu’il a du mal à faire passer dans sa langue maternelle. Mais qu’on utilise à tout propos des mots étrangers et au surplus  sans en connaître, parfois, le sens exact ou en l’écorchant est tout simplement aberrant.
 
Mais le pire est peut-être à venir. Le phénomène était limité à une seule station et à quelques émissions, notamment sportives. Aujourd’hui, la contagion a touché de proche en proche la quasi-totalité des stations-bien que beaucoup d’émissions fassent encore de la résistance- et tout récemment, les feuilletons. Même les invités aux émissions se croient, souvent, obligés de se mettre au diapason du maître de céans. C’est à qui prononce le plus de mots étrangers, ce qui donne lieu à des dialogues qui feraient se retourner dans leur tombe Voltaire, Molière et Corneille réunis et éventuellement Shakespeare. Certains ont poussé le ridicule jusqu’à parler le dialecte tunisien avec un accent qui, parfois, fleure bon l’Ile de France. N’était le tragique de la situation, on serait tenté d’en rire.
 
En effet, quand on sait l’impact de ces stations, très suivies surtout par les jeunes, on imagine les dégâts qu’elles peuvent provoquer. Sans tomber dans le catastrophisme, je pressens le danger qui guette une  langue que beaucoup de nos frères orientaux n’arrivent pas encore à comprendre.
 
Un ami tunisien,résident en Syrie, m’a révélé qu’il y a quelques années, la Télévision syrienne a dû interrompre la diffusion d’un feuilleton tunisien parce que les téléspectateurs ne comprenaient pas les dialogues. Depuis, les choses ont légèrement évolué grâce notamment à… nos chanteurs qui sont parvenus, d’une manière intelligente, à faire connaître au public arabe certaines expressions typiquement tunisiennes. C’est ce travail de fourmi que certains sont en train de saper. Continuer dans la voie où ils veulent nous engager porterait un coup fatal aux efforts déployés pour porter haut la voix de la Tunisie dans le monde et limiterait notre rayonnement à notre voisinage immédiat encore qu’à ce niveau aussi, rien n’est moins sûr. Les libyens  qui s’intéressent de très près à nos différentes compétitions sportives suivaient assidument les émissions sportives tunisiennes. Mais comme le francarabe est une pratique courante dans ce genre d’émissions malgré leurs appels répétés  (leurs messages étaient lues sur antenne), pour éviter l’usage de langues étrangères et notamment le français qu’ils ne maîtrisent pas,  ils ont dû se tourner vers d’autres Chaînes arabes qui accordent une large place à l’actualité sportive en Tunisie.  Croit-on qu’avec de tels procédés, on pourra favoriser l’exportation du  produit culturel tunisien -qui vivote actuellement faute de débouché à l’extérieur- et rattraper notre retard sur des pays comme la Syrie qui produit pas moins de trente feuilletons par an- elle devançe même l’Egypte - n'hésitant pas à faire appel, notamment à des compétences arabes dont le Tunisien  Chaouki Majri. Mais ceci est une autre histoire.

                                                                                                                             Hedi

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11 Commentaires
Les Commentaires
rym sandri - 13-12-2008 20:25

Il faut rappeler que nous parlons bien de dialecte plutôt que de langue, en Tunisie nous parlons le dialecte tunisien qui n\'a rien a voir avec la langue arabe (un européen qui étudie la langue arabe n?arrive pas à comprendre les tunisiens quand ils parlent le dialecte de leurs ancêtres et vice versa). et justement le dialecte tunisien comporte des mots en arabe, des mots en français et des mots parfois cassés (genre pour dire arrière il y a le mot ariel qui n\'existe en aucune langue mais qu\'on a toujours entendu prononcer par les gardiens de parking...). Par contre le dialecte des pays orientaux arabes se trouve beaucoup plus proche de la langue arabe officielle. Donc s\'il faut changer quelque chose c?est peut être d\'amener le Tunisien à pratiquer la langue arabe officielle plutôt que le dialecte, c\'est d\'ailleurs le cas en Italie où chaque région a son propre dialecte et où d\'ailleurs deux italiens de régions différentes ne sont pas en mesure de se comprendre en dialecte et du coup les Italiens pratiquent plutôt la langue italienne officielle, les dialectes se voient de moins en moins pratiqués et d\'ailleurs parler le dialecte est devenu quelque part mal perçu par les Italiens parce que comme si c\'était un signe d\'ignorance.

Hadj Belkacem Amel - 15-12-2008 16:56

C\'est vrai que parfois, les Tunisiens émaillent leurs discours par des mots français pour montrer qu\'ils appartiennent à l\'élite et qu\'il maîtrisent(ou croient maîtriser)la langue française.Néanmoins, il y\'en a beaucoup qui l\'uttilisnt par habitude et sans arrière pensée.Quant aux Syriens qui ne comprennent pas nos feuilletons ou nos émissions à cause de l\'emploi de quelques mots en français je pense que eux aussi parlent parfois en anglais pendant leurs émissions.D\'ailleurs,dans ce contexte, nos voisins les Algériens nous dépassent largement en parant couramment et quotidiennement le français même dans leurs chaînes de télévision.Alors Si Hédi, il ne faut pas en vouloir beaucoup aux pauvres Tunisiens!

Salma Mahfoudh - 15-12-2008 17:48

La langue Française est malheureusement malmenée en Tunisie, surtout par ceux qui croient que la parler à tort et à travers est un signe de supériorité. On entend partout, et surtout à la radio, des expressions et des phrases qui n\'ont aucun sens. La langue de Molière souffre infiniment à cause de certaines enseignes qu\'on voit sur les façades des boutiques,garages ou autres. Plus grave encore, quelque uns de nos journalistes, animateurs, \"intellectuels\" et \"stars\" n\'hésitent pas à utiliser des termes inapropriés, sans parler des fautes de grammaire, conjugaison et autres.. a en perdre son latin quoi!!... Ce phénomène engrendre aussi la dégradation de notre langue maternelle,l\'arabe, une langue si belle et si riche.. à méditer!!

ben saad mohamed - 17-12-2008 13:58

c\'est là un grand sujet de discussion. le francarabe est un résidu de l\'ère colonialiste. Notre système d\'enseignement n\'a malheureusement pas pu déraciner cet aspect de notre manière de communication du principalement à la pauvreté de notre dialecte tunisien qui emprunte des mots dont la prononciation est souvent tordue à la langue arabe ou même à la langue française...Celà est du aussi à un aspect de déracinement qui menace une jeunesse tiraillée par des courants culturels multiples et qui n\'a pas pu développer une personnalité tuniso-tunisienne pure ... c\'est là un vrai combat d\'identité qu\'il faut mener.. Nous sommes arabes, musulmans, nord africains et méditerranéens. nous assumons ce melting pot et nous nous taillons une nouvelle identité basée sur la diversité culturelle, l\'ouverture sur autrui et la tolérance ...

Abdallah LABIDI - 19-12-2008 09:22

J\'adhère totalement au point de vue de Salma Mahfoudh, qui relève pertinemment que malheureusement chez quelques uns de nos journalistes, animateurs, \"intellectuels\" et \"stars\" le paraitre l\'emporte sur l\'être, et l\'impression prime sur la conviction. Il ne faut jamais oublier, que, dans tous les domaines, la qualité est toujours le produit de l\'effort et de la persévérance. Deux qualités avec lesquelles une bonne proportion de Tunisiens ont des relations perturbées et conflictuelles. Je ne pense pas comme notre ami Mohamed Ben Saad, que ceux qui souffrent de pollution linguistique, soient tirailles entre plusieurs courants culturels, mais plutôt de l\'insignifiance et de l\'aridité culturelle environnante, et surtout de l?absence d\'une culture leader propre a tout peuple digne de ce nom. Voila un vrai sujet pour une consultation nationale, sans laquelle toutes les autres consultations n\'auraient qu\'une valeur toute relative. Le président de la république, dans le discours qu\'il a prononce a l\'occasion du 21 anniversaire du 7 novembre, n\'a, d\'ailleurs, pas manque de secouer les consciences, comme toujours, au sujet des assauts subis par la langue arabe, et de la sollicitude qu\'il convient de lui apporter.

fethi - 19-12-2008 09:35

C\'est aussi un phénomène habituel dans les grandes surfaces, à tel point qu\'il m\'est arrivé d\'interpeler une fois un responsable des lieux pour lui dire que s\'il se soucie de la difficulté de nos éventuels hotes étrangers à saisir les annonces lancées au micro en langue arabe ou en dialecte comme on le dit, moi je n\'en ai vu aucun dans les parages pendant au moins une heure. Les employés et autres étant également interpellés en français. Si c\'est le cas, pourquoi n\'utilise t-on pas l\'anglais ou l\'italien, comme dans les aéroports?j\'ai même fréquemment vu par ailleurs que certains parents s\'adressent à leurs enfants ainsi. Et je vous assure qu\'il y en a même qui en sont très fiers. Je ne crois qu\'il s\'agisse ainsi de les entraîner à telle pratique, je pense bien que c\'est du snobisme. Personnellement j\'aime bien les langues et je suis polyglotte, mes enfants essayent toujours d\'apprendre, mais on parle notre langue maternelle quelle qu\'elle soit arabe ou dialecte, et je ne le nie pas en utilisant les mots venus de toutes parts, en cas de manque. Jai remarqué cependant et avec bonheur que mes petits enfants emploient des mots en arabe pur comme dans leur classe, çà leur va bien, et ma petite fille s\'amuse quelquefois à écrire de petites et savoureuses anecdotes en arabe. Alors ne me dites pas qu\'il y a problème!

BENJEMAA - 19-12-2008 18:22

ceux qui utilisent deux poids et deux mesures n\'arrivent pas à conclure dans n\'importe quel domaine,ils sont déracinés comme a dit Mustapha Farsi. il ne maîtrisent pas tellement ni l\'arabe ni le francais c\'est pourquoi ils balancent d une langue à une autre et ca montre leur incapacité de passer un message je veux rappeler ceux qui parlent de dialecte différent de la langue arabe ne savent pas qu\'ils sont entrain de parler la langue arabe je vous prie messieurs de ne pas mélanger n\'importe quoi pour exprimer votre opinion est ce que vous avez vu un Américain ou un Russe ou un Chinois ou un Coréen s\'exprimer en multilangues devan ses compatriotes? malheureusement ceux qui s\'expriment avec un mélange de langues incompatibles entre elles ne respectent pas leur public même si c\'est de bonne foi.

M. Karray - 26-12-2008 17:01

Vous posez un problème de taille qu'il faut suivre de près. A l'école primaire, nos enfants ont de grandes difficultés à s'exprimer et en arabe et en français ! Mes étudiants mélangent les deux styles et appliquent les règles de la grammaire arabe à la langue fraçaise ...! N'est ce pas là une sonnette d'alarme ? Il serait peut-être opportun de prendre des décisions ayant force de loi !

Moez - 31-12-2008 14:17

Le vrai probleme c'est l'utilisation déformée de la langue française: quand on ne maitrise pas une langue, mieux vaut l'éviter (comme dirait Jacques Brel,"faut pas jouer les riches, quand on n'a pas le sou") Sinon pour comparer à d'autres pays arabes, l'utilisation du Français en Algérie ou au Maroc est assez fréquente, de meme que l'Anglais chez les Egyptiens et les Libanais sans que cela ne paraisse déplacé. Donc, il ne faudrait pas "etre plus royalistes que le roi" j'ajouterais qu'au sein meme de notre parler tunisien, nous employons des mots et des expressions empruntés à d'autres langues dialectiques comme le libanais ou l'egyptien (les "dixit Adel Imam" qui m'insupportent) ou des mots enpruntés de la langue arabe littéraire. Une langue ne peut etre ni cadrée ni orientée ni surveillée ni modifiée, elle s'impose avec les contraintes et actualités de son temps. En matière de language rien ne peut etre imposé (demandez à la France qui a essayé de supprimer les angliscismes, sans succès). En fait, toute cette discussion provient du fait que les Tunisiens sont un peu complexés : Amis Tunisiens : parlez tunisien, avec ses mots en français, italiens, espagnol, berbere, c'est notre authenticité qui serait en jeu si on le délaisse. mi je vais chez le "hajjem" pas le "hallaq", je vais lel "qahwa" par le "maqha" etc les exemples sont nombreux. Ne nous laissons pas formater à l'arabisme linguistique! Et si vous trouvez que la langue française est massacrée, c'est par manque de pratique, donc moi je tolère les fautes de français, c'est comme ca : pour s'améliorer, il faut se tromper et surtout en etre conscient, ce n'est pas en se cachant qu'on devient meilleurs. Pour nos amis syriens, egyptiens, ils devrait se mettre au français, faire des efforts et ils finiront par comprendre notre langue, comme nous la leur, et non pas en pratiquant, comme ils le font, un protectionnisme culturel., Hayya ena nqoulelkom bonne année !!!

Abdallah Labidi - 02-01-2009 22:58

Le jour ou je trouverai dans d’autres langues que l’arabe d’aussi beaux noms que celui de Moez, je serais prêt a appliquer les conseils que nous suggère l’intervenant qui me précède. Certains Tunisiens s’enorgueillissent de leur ignorance de notre « langue maternelle » comme d’une haute distinction acquise pour d’éminents services rendus à la nation, alors qu’il s’agit d’une faillite intellectuelle résultant d’une paresse et d’une négligence coupables. Il suffit d’observer l’admirable et méritoire maitrise de l’arabe parlé et parfois même littéraire dont font souvent preuve des étrangères mariées a des Tunisiens et certains étrangers de passage dans notre pays, ou encore le nombre en constante augmentation d’étudiants étrangers inscrits en cours d’arabe, pour se rendre compte a quel point ces Tunisiens Off-shores arabo-allergiques sont pitoyables. Qu’ils aient de surcroit l’outrecuidance de faire de leur misère linguistique une idéologie militante, voila le comble de l’inconscience.

HA-KIM Sisqo Dru - 24-12-2009 23:33

Bonjour, Le "problème", si s’en est un, se pose aussi chez nous en Algérie et peut être encore plus qu’en Tunisie. Mais cela est dû sans aucun doute à la colonisation qui a duré plus d’un siècle et qui était l’une des plus ravageante, car les français voulaient coloniser nos terres mais aussi nos cultures, religion…nos cerveaux. Cela se vérifie en comparant les anciennes colonies britanniques et françaises. Mais, il ne faudrait pas non plus accabler nos populations, car l’indépendance de nos pays s’est faite il y a quelques décennies seulement, nos parents sont nés en période coloniale (Ils apprenaient le français pour ceux qui partaient à l’école) et les zaouïas (Ecoles coraniques) étaient parmi les seules places où on dispensait des courts d’Arabe. Il nous faut du temps pour réapprendre ou apprendre nos langues (Arabe et Amazighe). Mais malheureusement beaucoup d’erreurs ont été faites chez nous pour restaurer la langue Arabe. On a voulu imposer cette langue de force aux gents qui ne la parlaient pas, par des programmes d’arabisation non réfléchies et « d’importation » d’enseignants des pays arabes. Cette politique (Issue de l’ère euphorique post-indépendante, revancharde et rancunière vers tout ce qui symbolisait le colon) et qui reste un échec tant que le niveau de la langue du Saint Coran chez nous est faible. Cependant, je suis d’accord avec l’auteur sur un point, le fait que nous parlons un dialecte fragmenté (Composé de mots arabes, amazighes, locaux, français, espagnols, turques et anglais), on conjugue même des verbes français en Arabe et dans tous les temps (Ex : Le verbe bouger au présent : (Je) Nbougy, (Tu) Tbougy, (Il) Ybougy, (Nous) Nbougyw, (Vous) Tbougyw, (Ils) Ybougyw). J’aimerais aussi préciser un point par rapport au dialecte. Ma ville (Alger) possédait son propre dialecte, composé de mots typiquement algérois, mais la colonisation est passée par là et une grande partie de ces mots qui constituaient notre dialecte local a disparu. Est-ce le cas pour vous ? Enfin, il faut noter que les langues ne restent pas statiques et figée, elles évoluent avec le temps et les événements, sachant que les langues Berbères sont dérivées du Libyque (Langue de nos ancêtres jusqu'à la fin de la période « coloniale » romaine.

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